Festival International de Musiques Sacrée de Fribourg: concert « Loire sacrée », Ensemble Jacques Moderne

Ensemble Jacques Moderne


02/07/2018 | 20h30

Fribourg

Église du collège Saint-Michel

Billetterie

Église du collège Saint-Michel

Fribourg



Réservation

http://www.fims-fribourg.ch/fr/content/les-billets

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Distribution :

Ensemble Jacques Moderne

Remettre en mouvement le temps d’un concert les alluvions d’une riche histoire artistique et spirituelle charriées et déposées au fil de la Loire. Ce programme onirique sert de feuille de route à l’Ensemble Jacques Moderne qui remonte le cours du fleuve pour proposer au public d’aller à rebours de celui du temps, tout en dévalant jusqu’à l’estuaire, dedens la mer. Au gré des sources, c’est aussi une liturgie musicale complète que Joël Suhubiette a collectée, mêlant à l’ordinaire de la messe hymnes, psaumes et motets.

Le chant d’entrée, Exultantes in partu virginis date d’environ 1100 pour sa mélodie, mais ses versets se sont vus dotés d’une harmonisation par les clercs au XVIe siècle. Ce dialogue des siècles célébrant le mystère de Noël nous est parvenu grâce au manuscrit du Puy, document unique qui recense nombre de témoignages au long cours de la pratique musicale en Velay.

Aux XVe et XVIe siècles, le répertoire sacré s’est bien sûr considérablement nourri du rayonnement de la cour de France renaissante, qui a fait affluer sur les rives ligériennes plusieurs générations de compositeurs flamands. Ainsi Jean Ockeghem, né près de Mons, fit l’essentiel de sa carrière de chantre-compositeur, la plus renommée avant Josquin, comme chapelain de Charles VII puis Louis XI au château de Tours. Le Béthunois Antoine Busnois l’y rejoignit de 1461 à 1465 avant de partir se mettre au service de Charles le Téméraire en Bourgogne. Antoine de Févin, natif d’Arras, et Jean de Hollingue dit Mouton, œuvrèrent à la chapelle royale sous Louis XII puis François Ier à Blois.

L’inscription de ces musiciens au programme du concert nous vaut une belle floraison d’hymnes sur le thème marial ou encore trinitaire. Ces pièces montrent parfaitement de surcroît l’évolution de la technique franco-flamande, de la polyphonie mystique, encore intriquée, déjà suave, d’Intemerata dei mater d’Ockeghem à la grande clarté rhétorique parfaitement maîtrisée (louée même par Luther !), de Sancta trinitas unus Deus. Et dans l’intervalle, l’apport d’une vraie révolution consistant à écrire les phrases vocales en imitation les unes des autres, pour une divine harmonie plus intelligible aux humaines oreilles. Si cette humanisation de l’édifice polyphonique passe par l’ajout au plain-chant d’un humble canon à 2 voix dans le Regina Coeli laetare, elle confine au tour-de-force dans Nesciens mater, conçu par Mouton comme un triple canon infini à 6 voix.

Autre visage de ce nouvel humanisme musical, le genre de la messe-parodie s’épanouit pendant plus d’un siècle, avant que l’Eglise ne le proscrive pour son sécularisme outré durant le Concile de Trente. Le cycle de messe y est unifié non plus par la citation d’un timbre grégorien mais par le recours à tout ou partie du matériau de chansons profanes bien connues. La Missa Fors seulement est bâtie sur la chanson Fors seulement l’attente que je meure, en mon las cueur nul espoir ne demeure du même Ockeghem, reconnaissable ici à son incipit de quatre notes descendantes. Il en va de même de la Messe La Bataille, qui réélabore non sans malice charmeuse la fameuse chanson descriptive connue de Clément Janequin, alors angevin. La Missa Quem dicunt homines de Jean Mouton se réfère au plus sérieux motet de Jean Richafort mettant en scène le dialogue de Pierre et Jésus. La Missa Dedens la mer de l’assez obscur Guillaume Faugues, chapelain à Bourges dans les années 1460, s’échafaude vraisemblablement elle aussi sur une chanson dont on a perdu aujourd’hui, hors son titre, le substrat poétique.

Avant cet énigmatique Agnus dei, dernier appel du large et de l’Histoire, les Jacques Moderne ont choisi de porter la mémoire d’un autre adieu : en 1514, de Févin et Mouton pleuraient, l’un par un vaste Requiem l’autre par le poignant motet Quis dabit oculis nostris le décès de leur royale mécène Anne de Bretagne. Pendants musicaux d’un célèbre médaillon en forme de cœur, conservé aujourd’hui à Nantes, si près de la jetée…

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