La signature est ouverte à toute personne souhaitant apporter son soutien à notre mouvement : musiciens, acteurs du monde musical, mélomanes, publics des concerts…

Dans la tourmente, le secteur des indépendants des musiques classique, de patrimoine et de création se mobilise.  1500 artistes et professionnels du spectacle vivant, parmi lesquels certain·e·s des plus grand·e·s directeur·rice·s artistiques d’orchestres et d’ensembles indépendants, ont d’ores et déjà signé une lettre adressée à la ministre de la culture. Cette lettre rédigée par des artistes traduit l’inquiétude d’un secteur tout entier :musiciens intermittents, responsables de festivals et de salles les programmant, producteurs privés des musiques classique et de création : laissés jusqu’à présent dans l’angle mort du plan de relance du gouvernement, ils appellent à un plus large soutien.

Musiciens professionnels ou amateurs, mélomanes, citoyens attachés à la diversité musicale et à la défense de notre modèle culturel, rejoignez la mobilisation de ces artistes et ensembles musicaux que vous entendez dans tous vos territoires grâce aux festivals et salles, dont vous écoutez les disques plébiscités par la critique, et qui sont parmi les acteurs les plus dynamiques de la création musicale, en France et à l’international.

>> Liste des signataires <<


Lettre à la ministre

Madame la Ministre de la Culture,


Nous réagissons aux annonces et informations qui ont suivi le plan de relance mis en place par le gouvernement sous l’action conjointe du Premier ministre Jean Castex et de vous-même, dans un contexte particulièrement difficile pour le secteur culturel.

Nous sommes profondément inquiets, alors que les pertes ne cessent de s’accumuler, que les perspectives de reprise sont faibles et que 2021 et 2022 charrient déjà leur lot d’annulations.


Certes, nous saluons les décisions et dispositifs d’urgence déployés à la suite du déclenchement de la crise sanitaire. Complétés des efforts des autres collectivités et de la société civile et bonifiés par l’habileté, la flexibilité et l’engagement sans faille des ensembles et de leurs équipes, ils ont permis de repousser la faillite immédiate d’un secteur dont la fragilité a été affichée au grand jour.


L’avenir est nettement plus sombre :


L’étude de la FEVIS – Fédération des Ensembles Vocaux et Instrumentaux Spécialisés – publiée en juillet et portant uniquement sur la période mars – juillet 2020 a démontré l’impact dévastateur de la crise sur le secteur de l’indépendance :

1283 représentations annulées, soit 50% de l’activité 2020 ;

11 millions d’euros de chiffre d’affaires détruits, soit 47 % des prévisions annuelles ;

2,3 millions d’euros de pertes sèches pour les ensembles après recours aux dispositifs de soutien ;

Une indemnisation des cessions annulées de 4,7% en moyenne : la théorie du ruissellement n’a pas été vérifiée, quelle que soit la typologie de la salle accueillante !

Nous pouvons sans risque affirmer que ces chiffres sont largement sous-évalués, si l’on considère la période mars – décembre 2020.


Les exercices 2021 et 2022 menacent ainsi d’être le théâtre d’un naufrage, particulièrement pour les plus jeunes d’entre nous :

En termes d’activité, car une partie des productions de 2020 seront reportées, gelant par la même occasion nombre de nouvelles créations. D’autres ne verront pas le jour du fait de la destruction d’une partie des moyens de production.

En termes financiers, car le déficit 2020 sera étalé sur plusieurs exercices. La baisse des moyens de production entraînera un cercle vicieux dont les artistes seront, in fine les victimes. Certaines salles annulent d’ores et déjà des concerts en 2021 ! Viendra également le temps du remboursement des PGE contractés par les ensembles. S’ajoute à cette situation délétère la décision des Organismes de Gestion Collectives, et en particulier de l’ADAMI et de la SPEDIDAM qui sont celles qui financent le plus notre secteur, de geler leurs commissions d’action culturelle en réaction à l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne.


Dans ce contexte, nous sommes abasourdis d’apprendre qu’a été prise la décision d’écarter les salles et festivals programmant des musiques de patrimoine et de création du mécanisme de compensation de billetterie. Elle revient à les inciter à transférer les pertes sur les artistes et leurs employeurs et in fine, à amener ces derniers à engager sans délai des plans sociaux. De plus, elle encourage les mêmes diffuseurs à déprogrammer nos projets au profit d’autres genres musicaux qui bénéficient des mécanismes de compensation. Ce constat est palpable en dépit des aides versées aux grands opérateurs, il aura des conséquences directes tant que nous devrons vivre avec le virus.


Les ensembles sont sans ressource face à un cercle vicieux profondément enclenché.


Si nous saluons l’engagement massif de l’Etat à travers ce plan de relance pour la culture, nous ne pouvons pas comprendre le déficit criant de considération à l’endroit des ensembles indépendants. Ce 3e pilier de la musique classique, qui représente 5000 artistes, 1 million d’heures d’intermittence, 5000 concerts, 1,3 million de spectateurs, qui est à la pointe de l’engagement citoyen et des questions liées au territoire, qui jouit d’une reconnaissance inégalée à l’international, peut-il demeurer invisible aux yeux du ministère de la culture ?


Pour ne s’intéresser qu’au passé proche, qui mieux que les ensembles, dans leur diversité de répertoires et de formats, réunis par la même ambition d’excellence et de lien au public de tous les territoires, petits et grands, émergents ou précurseurs, a su répondre à l’appel présidentiel pour une culture réinventée ? Ils ont été les plus performants, les plus flexibles, les plus réactifs. Les exemples sont nombreux, pour autant de réussites.


En 2018, le Ministère de la Culture a aidé les ensembles à hauteur de 11 millions d’euros. Nous savons tous que c’est insuffisant. Que la comparaison avec d’autres acteurs est, en temps normal, insoutenable. En ces temps troublés, elle devient intolérable.

Comment devons-nous interpréter les 81 millions d’euros promis à l’Opéra national de Paris, alors même que le déficit annoncé n’était que de 45 millions d’euros, quand les ensembles ne savent toujours pas s’ils survivront à 2020 ?

Doit-on comprendre que ce secteur est si inutile qu’il faille l’abandonner, et cela alors même que les 11 millions d’euros de financement total et cumulé de 200 ensembles ne représentent pas plus pour l’Etat que les subventions qu’il verse à deux ou trois orchestres permanents ?

Et finalement, quelle logique à sauver si ouvertement les intermittents si vous laissez mourir les structures qui les emploient ?


Négliger ce secteur musical dans le plan de relance reviendrait à nier ce qui fait sa force, sa singularité. Ce serait une grave erreur, dont les répercussions artistiques mais aussi économiques et sociales seraient irréversibles.


Le secteur de la musique évolue : une troisième voie s’est révélée entre le tout privé et la sphère subventionnée. Cette troisième voie crée, dynamise, entreprend, fait vivre énormément d’artistes, participe à la bonne santé de la balance commerciale de la France et contribue à son rayonnement à l’international.


Or le plan de relance que vous présentez maintient l’indépendance dans un rôle résiduel, qui dans le contexte actuel entraînera sa disparition, inexorablement.

Comment comprendre que le Centre National de la Musique demeure l’otage de l’industrie musicale, alors qu’il se veut la maison de toutes les musiques ? Comment expliquer que la Direction Générale de la Création Artistique du ministère reste sur cette vision bipolaire pour finalement servir en priorité ses grandes institutions ?

Quand le ministère de la culture parviendra-t-il à bousculer ses schémas d’intervention, à sortir d’une politique limitée aux labels pour enfin saisir à quel point il serait judicieux d’encourager une 3e voie qui présente le modèle et les résultats les plus probants ?


Ne nous trompons pas d’enjeu : ce plan de relance est capital pour notre écosystème, et présidera aux équilibres des dix prochaines années. La répartition qui en sera décidée résonne comme un discours de politique culturelle et présage de la place que vous déciderez d’attribuer à notre secteur de l’indépendance pour les années à venir.


Nous attendons, Madame la Ministre, une réponse forte et urgente qui symbolise votre vision du monde de la musique. Un monde conforme à cette pluralité dont la France doit se réjouir.


Soyez-en convaincue, Madame la Ministre : les musiciens indépendants, les producteurs privés, les salles, les festivals des musiques de patrimoine et de création, une fois remis sur pieds et reconsidérés, seront les meilleurs alliés d’une politique culturelle rayonnante et en prise avec son temps.


Ils vous assurent de leurs hommages respectueux.