3 questions à Florence Bolton, La Rêveuse : « On ne peut plus se permettre aujourd’hui de faire des one shot onéreux et énergivores comme on a pu le faire avant »
Février 2023
Par Clément Vialle
©Jean Dubrana
A l’occasion de la sortie du nouveau disque de l’ensemble La Rêveuse, co-dirigé par la gambiste Florence Bolton et le luthiste et théorbiste Benjamin Perrot, la FEVIS a posé 3 questions à Florence Bolton.
Elle nous présente leur disque « Le concert des oiseaux & Le carnaval des animaux en péril » (label Harmonia Mundi), un programme musical autour de l’écologie, et évoque avec nous la problématique du renouvellement des publics et les prochains projets de l’ensemble.
Votre nouveau disque, sorti le 10 février 2023, s’intitule “Le concert des oiseaux & Le carnaval des animaux en péril” : un programme autour des liens entre animaux, musique et écologie. Comment les artistes peuvent-ils agir concrètement en faveur de l’écologie ?
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Nous avons eu envie d’intégrer dans ce disque des paysages sonores, avec des enregistrements de vrais oiseaux, mais aussi des oiseaux mécaniques, ou même des bruits de déforestation !
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Florence Bolton : On trouve beaucoup de propositions aujourd’hui en art contemporain autour de l’écologie, ce qui est plutôt bon signe : cela montre que le sujet est une vraie préoccupation et que les artistes interpellent les citoyens sur cette vaste question. Les propositions musicales autour de l’écologie existent certes mais elles sont rares et concernent la création contemporaine. Quand on est dans la musique baroque, on se situe davantage dans l’évocation des animaux que dans le militantisme, ce qui est normal, puisqu’on ne se posait pas la question de leur disparition -ou très peu – à l’époque baroque.
Nous avons eu envie de relier entre eux ces univers différents dans le temps et dans la pensée : l’époque baroque – autour des oiseaux- qui cherche souvent à rendre l’animal poétique et qui le peint parfois à l’intérieur d’un paysage (François Couperin, Jean-Philippe Rameau…) . Le XXe siècle avec des compositeurs qui connaissent bien l’univers des baroques (Saint-Saëns, éditeur des œuvres complètes de Rameau ou Ravel) et qui s’en inspirent dans leurs propres œuvres animalières. Et enfin le XXIe siècle avec ce Carnaval des animaux en péril, commandé à Vincent Bouchot, qui rassemble un matériau très riche, plein de références.
Nous avons eu envie d’intégrer dans ce disque des paysages sonores, avec des enregistrements de vrais oiseaux, mais aussi des oiseaux mécaniques, ou même des bruits de déforestation !
Nous espérons que ce projet, dans son intégralité, fera réfléchir les auditeurs sur l’histoire des rapports entre les hommes et les animaux et interpellera sur l’urgence de la situation présente.
Le concert des oiseaux & Le carnaval des animaux en péril (label Harmonia Mundi), 2023
Votre ensemble s’investit dans la transmission des savoirs, notamment avec « Les ateliers de musique ancienne » que vous avez créés. Comment renouvelle-t-on aujourd’hui le public de la musique ancienne ?
C’est une vraie question : on parle des animaux en péril, mais on pourrait parler aussi de la culture et du public qui sont eux aussi en péril.
Nous devons nous rendre compte – et beaucoup d’artistes le font- que la société change vite, que les envies et les besoins ne sont plus les mêmes, surtout depuis la crise du COVID, qui a apporté de nouveaux modes de consommation culturelle.
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Il ne s’agit plus aujourd’hui de faire uniquement ce que l’on a envie de faire, mais de se demander ce qui peut résonner auprès du public.
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Il ne s’agit plus aujourd’hui de faire uniquement ce que l’on a envie de faire, mais de se demander ce qui peut résonner auprès du public. C’est un travail intéressant, qui demande de comprendre comment la société évolue – et d’anticiper autant que possible tous les changements à venir et, en particulier, de trouver des sujets qui interpellent les jeunes.
© Olivier Schicke
Le spectacle Le Carnaval des animaux en péril a beaucoup de succès auprès des classes primaires et collèges car le sujet suscite de nombreuses questions. Il entre aussi en résonnance avec l’histoire de nos instruments baroques, qui ont déjà été en péril par le passé et qui le seront peut-être encore un jour, qui sait ?
Il est important maintenant de réfléchir à la manière d’attirer à nouveau le public dans les salles de spectacle.
Pleinement engagés sur les sujets d’actualité, vous proposerez ce printemps un programme de musique écrite pour ou par les femmes dans le cadre du Festival Musique Pluri’elles. Quels sont vos autres projets phares pour 2023 et la saison à venir ?
Faire tourner tous ces projets ! Cela aussi est une préoccupation d’ordre écologique : on ne peut plus se permettre aujourd’hui de faire des « one shot » onéreux et « énergivores » comme on a pu le faire avant.
Nous avons un grand projet thématique autour des oiseaux, créé en 2020, qui tourne énormément, et ce nouveau Carnaval des animaux en péril qu’il faut défendre.
Parallèlement, nous avons un gros programme d’enregistrements qui nous attend chez Harmonia Mundi. La prochaine sortie discographique est Londres 1740, le 3ème volet de notre série consacrée à l’histoire de la musique instrumentale à Londres ; un sujet des plus intéressants, dans cette ville qui a été une des grandes capitales culturelles européennes du XVIIIe siècle, ouverte aux influences du Continent. Par ces temps de Brexit, on a du mal à l’imaginer mais de nombreux artistes européens ont ainsi apporté leur contribution à la musique « anglaise ».
Nous aimerions être davantage programmés autour de ce sujet qui est l’un de ceux que nous avons le plus explorés, et sur lequel nous reviendrons avec un beau programme Haendel, avec la soprano Sandrine Piau, à l’auditorium de Radio-France l’année prochaine.
© Frédérick Pickering
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