
3 questions à Agnès Pyka, 1er violon, fondatrice et directrice artistique de l’Ensemble Des Équilibres.
« L’ensemble, depuis sa création, a toujours souhaité dialoguer avec des esthétiques musicales différentes. En effet, au gré de nos déplacements à l’international, nous avons toujours fait en sorte de rencontrer des artistes locaux qu’ils soient compositeurs(ices) ou interprètes. » Agnès Pyka.
Mars 2025
Par Marine Gacogne

Avec deux sorties de disques et le lancement du projet « Trans Europe Express » dans le cadre du Programme Europe Créative, la saison 2025 de l’Ensemble Des Equilibres s’annonce riche.
L’occasion pour la FEVIS de rencontrer Agnès Pyka, 1er violon, fondatrice et directrice artistique des Équilibres. Elle évoque avec nous la pluralité d’horizons esthétiques que l’ensemble explore ainsi que sa volonté en tant que musicienne de redonner leurs lettres de noblesse aux compositrices.
Créé en 2022 dans le cadre de la saison France-Portugal, le programme « Fado em movimento » dont le disque vient de paraître chez Klarthe, se veut une rencontre singulière entre la tradition du fado incarnée par la chanteuse Cristina Branco et la création contemporaine grâce au travail de trois compositrices : Florentine Mulsant, Fátima Fonte et Anne Victorino d’Almeida. Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce projet ?
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« Le Fado étant de tradition orale se transmettant de génération en génération, elle [Cristina Branco, incomparable voix du Fado Portugais ] ne lit donc pas la musique, ce qui dans le cas d’une création contemporaine en complexifie considérablement l’accès. » – Agnès Pyka
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Agnès Pyka : L’ensemble, depuis sa création, a toujours souhaité dialoguer avec des esthétiques musicales différentes. En effet, au gré de nos déplacements à l’international, nous avons toujours fait en sorte de rencontrer des artistes locaux qu’ils soient compositeurs(ices) ou interprètes. Ainsi nous avons pu par exemple converser avec le pianiste Fazil Say autour de musique Turque et Française, avec Nour Eddine Saoudi le Oudiste et ses musiciens algériens, avec Ray Lema le pianiste congolais.
À l’initiative de la saison France Portugal, l’ensemble a souhaité rencontrer Cristina Branco, l’incomparable voix du Fado Portugais afin d’envisager une rencontre autour des commandes de créations faites à trois compositrices : Florentine Mulsant, Fatima Fonte et Anne Victorino d’Almeida.
Cristina a accepté avec enthousiasme cette proposition nous proposant de commander les textes à l’écrivain Portugais de renom Gonçalo M Tavares, bien qu’elle soit pour elle extrêmement challenging, par une esthétique contemporaine qui lui est peu familière et la différence fondamentale de nos apprentissages,
Le Fado étant de tradition orale se transmettant de génération en génération, elle ne lit donc pas la musique, ce qui dans le cas d’une création contemporaine en complexifie considérablement l’accès.
La casa da Musica de Porto ainsi que l’ESMAE (université de Porto) se proposant d’être coproducteurs ainsi que notre partenaire de résidence de l’époque (2018/2022) la Ferme du Buisson, scène nationale de Marne la vallée, l’aventure pouvait ainsi commencer l’ensemble étant pour l’occasion en trio à cordes et Cristina accompagnée de son guitariste Bernardo Couto (guitare portugaise).
Cette magnifique aventure nous menant à l’enregistrement d’un disque pour notre label Klarthe.
Écouter le disque « Fado em movimento »
Le programme « Cordes pincées, cordes frottées » pour trio de violon, violoncelle et harpe dont le disque sortira au printemps chez LABEL X, met à l’honneur les compositrices en confrontant les pièces d’Henriette Renié, grande harpiste française et compositrice du début du XXème siècle aux créations contemporaines de Claire-Mélanie Sinnhuber.
Pourquoi avoir choisi de faire dialoguer les œuvres de ces deux compositrices ?
Agnès Pyka : L’ensemble étant à géométrie variable a, depuis sa création, travaillé régulièrement avec la harpe. Il nous a toujours semblé que cet instrument se prêtait extrêmement bien à la création contemporaine et que des commandes seraient les bienvenues pour enrichir son répertoire.
C’est la rencontre avec Claire Mélanie Sinnhuber et son esthétique si fine et précise tel un mécanisme d’horlogerie qui a été le déclic et nous a semblé pouvoir convenir particulièrement à la sonorité de cet instrument.
Nous avons parallèlement découvert le trio de grande proportion de la trop peu entendue des salles de concert : Henriette Reniè.
Cette compositrice, pédagogue magistrale, qui a beaucoup œuvré pour le développement de la technique de la harpe, dont une grande partie du travail a été perdue à une époque où le travail des femmes compositrices retenait peu l’attention de leur entourage et des éditeurs.
L’ensemble travaille depuis sa création sur les répertoires oubliés et, l’idée de mettre en regard, dans un même programme et un même enregistrement, le travail de ces deux femmes célébrant chacune à leur époque ce même instrument, avec la même envie d’en explorer les capacités maximales, nous a semblé faire particulièrement sens.

Depuis le mois de novembre 2024 et jusqu’à avril 2026, l’Ensemble Des Equilibres est à l’initiative du projet ambitieux et novateur « Trans Europe Express ». A travers une programmation riche de conférences, masterclasses, concerts, actions de médiation et commandes d’œuvres, ce projet souhaite mettre en lumière les jeunes compositrices dans quatre pays différents – la France, la Hongrie, Malte et l’Espagne – et interroger leur place dans la création musicale contemporaine. Comment le projet va-t-il se dérouler ? En tant que femme et musicienne, quelle place souhaitez-vous donner aux compositrices trop souvent invisibilisées ?
Agnès Pyka : Je dois avouer qu’en tant que musicienne, résidente en France, je n’ai pas eu le sentiment qu’être une femme posait réellement un problème, les difficultés que j’ai pu rencontrer me semblant être inhérentes au fait même d’être un ensemble indépendant.
J’ai décidé de créer l’ensemble en 2006 pour répondre au besoin de faire entendre les répertoires oubliés et la création contemporaine dans les salles de spectacles, au départ sans distinction de genre.
Cependant, au fur et à mesure de nos tournées, notamment à l’international, nous nous sommes rendu compte que la création contemporaine était un monde majoritairement masculin, et que, selon les pays, le fait même de devenir ou d’envisager de devenir compositeur n’était pas ouvert aux femmes, ces dernières ayant beaucoup de mal à se projeter dans cette profession semblant trop hasardeuse ou trop difficile à atteindre.
De notre expérience européenne à ce jour, seules certaines compositrices françaises sont capables de vivre de leur art et donc de l’exercer pleinement. C’est donc bien pour essayer d’envisager ces différences, d’en comprendre les raisons et d’y apporter des réponses que nous nous sommes engagés dans ce magnifique projet Trans Europe Express.
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