3 questions à Léo Warynski, Chef d’orchestre et chef de choeur, fondateur de l’ensemble vocal Les Métaboles
« Depuis 2010, Les Métaboles ont grandi de manière organique. Le chœur s’est façonné autour d’un son riche et homogène, et d’un désir constant d’explorer la richesse du répertoire vocal — du motet médiéval aux créations les plus contemporaines. Ce parcours s’est construit pas à pas, en alliant exigence artistique et ouverture à de nouveaux horizons. » Léo Warynski
Juin 2025
Par Marine Gacogne

Le 15 mai dernier, Les Métaboles ont présenté Another Look at Harmony – Part IV dans un spectacle scénographié à la Filature – Scène nationale de Mulhouse, l’occasion pour la FEVIS de rencontrer Léo Warynski, chef d’orchestre et chef de chœur ainsi que fondateur de l’Ensemble Vocal Les Métaboles. Il évoque avec nous la singularité de cette œuvre, sa collaboration avec les scénographes Céline Diez et Clément Debailleu ainsi que son regard sur le parcours des Métaboles depuis leur création en 2010.
« J’ai eu la sensation, en l’écoutant, que cette œuvre modifiait notre perception du temps… » écrivez-vous dans la note d’intention du disque à propos Another Look at Harmony – Part. IV. Qu’est-ce qui rend l’écoute de cette œuvre si singulière ? Pourquoi avoir choisi de l’associer au Canon à 16 voix à l’unisson d’Andrea Basily, compositeur italien du XVIIIème siècle ?
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« Ce sont des variations infimes qui s’accumulent, qui nous plongent dans un état d’attention particulier, très intense. » – Léo Warynski
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Léo Warynski : Ce qui rend Another Look at Harmony – Part IV si singulière, c’est la manière dont elle installe l’écoute dans une temporalité différente. L’œuvre s’étend sur près d’une heure, et pourtant on a l’impression que le temps se dilate, s’efface presque. La logique musicale développée par Philip Glass repose sur la répétition et la transformation progressive : rien ne change brutalement, mais tout évolue. Ce sont des variations infimes qui s’accumulent, qui nous plongent dans un état d’attention particulier, très intense.
J’ai eu envie d’ouvrir ce programme avec un objet musical très différent mais qui produit un effet comparable : le Canon à 16 voix à l’unisson d’Andrea Basily. Écrit au XVIIIe siècle, ce canon rejoint la tradition des grandes œuvres polyphoniques de la Renaissance, pléthoriques dans leur nombre de voix, et qui donnent l’impression de pouvoir durer éternellement. Le lien avec Philip Glass peut sembler inattendu, mais il me semble au contraire très profond : dans les deux cas, c’est la répétition, la densité vocale, et l’absence de narration qui ouvrent une autre dimension de l’écoute — une perception étirée, presque méditative, où l’on cesse de mesurer le temps pour simplement le traverser.
Pour la création du spectacle « Another Look », vous avez choisi de faire confiance à deux scénographes de la compagnie 14:20 : Céline Diez et Clément Debailleul. Comment cette collaboration est-elle née ?
Léo Warynski : Je ne connaissais pas personnellement Céline Diez et Clément Debailleul avant de les solliciter, mais dès nos premiers échanges, une intuition forte s’est imposée. Ce projet réclamait un regard scénique capable de traduire visuellement la dimension sensorielle et cyclique de la musique de Philip Glass. Quand je leur ai proposé Another Look, les idées ont jailli très vite car leur démarche, à la croisée de l’art optique et de la scène, entrait naturellement en résonance avec l’univers de cette œuvre.
Ils ont imaginé un dispositif spectaculaire, avec trois immenses disques suspendus au dessus de la scène, qui sont les supports d’images en mouvement. Ces images sont comme une partition visuelle: une mise en lumière de la musique, qui transpose dans le champ du regard les principes mêmes de la composition : les accords, les unissons, les rythmes, les silences, les canons. On assiste à une forme d’harmonie commune entre ce que l’on voit et ce que l’on entend.
Ce que j’espère, c’est que ce spectacle soit une expérience sensorielle complète, une forme de rituel hypnotique où le temps se dilate, où les perceptions s’ouvrent. Une manière d’être là, autrement — plus attentif, plus vivant.


Écouter le disque « Fado em movimento »
Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral en 2018, ensemble associé à la Cité de la Voix de Vézelay depuis 2022, nomination aux Victoires de la Musique Classique en 2024… quel regard portez-vous vous sur le parcours des Métaboles depuis leur création en 2010 ? Quels sont vos rêves pour les saisons futures ?
Léo Warynski : Depuis 2010, Les Métaboles ont grandi de manière organique. Le chœur s’est façonné autour d’un son riche et homogène, et d’un désir constant d’explorer la richesse du répertoire vocal — du motet médiéval aux créations les plus contemporaines. Ce parcours s’est construit pas à pas, en alliant exigence artistique et ouverture à de nouveaux horizons.
Les reconnaissances que nous avons reçues — le Prix Liliane Bettencourt, notre association à la Cité de la Voix, notre nomination aux Victoires de la Musique Classique — sont précieuses. Elles nous offrent visibilité et moyens concrets, mais surtout, elles nous encouragent à poursuivre notre travail avec toujours plus d’ambition.
Nous sommes fiers des collaborations artistiques que nous avons nouées, avec l’Ensemble intercontemporain, les orchestres de Strasbourg, de Metz, ou encore l’Orchestre de Chambre de Paris. Cette saison nous mène à des lieux prestigieux, comme la Philharmonie de Paris, la Scala de Milan, les festivals de Vézelay, de La Chaise-Dieu, les Sommets Musicaux de Gstaad, ou encore au Spring festival de Tokyo.
Dans l’avenir, j’aimerais que notre travail continue à rayonner au-delà de nos frontières, que notre répertoire touche de nouveaux publics et que nous consolidions la place des Métaboles parmi les chœurs les plus reconnus, en France comme à l’international.
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