« Le baroque contient toujours, dans son essence, quelque chose de rural, de paysan. Pan, dieu des champs, dieu de la nature, préside à toute œuvre baroque authentique. » Eugenio d’Ors, Du baroque
Tribune Juillet 2024
Tribune par Alice Julien-Laferrière, directrice artistique de l’Ensemble Artifices et fondatrice de la Turbine
« Le baroque contient toujours, dans son essence, quelque chose de rural, de paysan. Pan, dieu des champs, dieu de la nature, préside à toute œuvre baroque authentique. » Eugenio d’Ors, Du baroque
Nous nous demandons tous quelles actions positives nous pouvons avoir dans ce monde en tant qu’artiste. C’est pourquoi avec l’Ensemble Artifices nous avons choisi de travailler notre activité sous le prisme du développement local en milieu rural, en Bourgogne-Franche-Comté (selon l’INSEE la région la plus rurale de France). Derrière ces grands mots, une réalité, dont nous voulons témoigner ici. Nous avons souvent entendu dire que ce que nous faisions sur le territoire s’apparentait à du militantisme, voire à une mission d’intérêt général. Nous avons choisi de nous adresser artistiquement à tous, des plus jeunes aux plus vieux, dans tous les lieux imaginables, grâce à cet outil formidable qu’est la musique, pour émouvoir, intriguer, mettre en perspective la culture des temps passés et celle dans laquelle nous vivons, tenter parfois de sensibiliser le public à la question écologique, mais également et surtout pour rassembler. Car nous avons plus que jamais le sentiment que créer du lien est indispensable.
L’isolement des habitants des campagnes est réel, ainsi que leur repli sur eux-même, dans des petites communes qui ont vu progressivement les cafés fermer, n’offrant que très peu d’occasions de se réunir. Cette pratique s’est donc peu à peu perdue, et il nous faut faire nos preuves auprès des élus pour les convaincre de nous aider à organiser ces rencontres : quelle fierté lorsque nous y arrivons !
Afin de créer cette proximité avec le public, depuis plus de dix ans maintenant, nous sortons le plus possible des salles de concert en proposant par exemple des balades musicales, mais aussi en ayant le souci constant d’un travail de médiation autour de notre répertoire.
Ces actions de territoire demandent beaucoup de temps et une implication des artistes qui diffère du métier de concertiste. Dans le souci d’aller jouer au plus près des gens, nous travaillons souvent avec des organisateurs dont ce n’est pas le métier, nous retrouvant à endosser les rôles de programmateur, régisseur, chargé de communication, fournissant les affiches, les distribuant, etc…
En diffusant la musique autre part que dans des salles dédiées ou dans des festivals, nous avons également pris l’habitude de jouer pour de toutes petites jauges. Le lieu où nous avons élu domicile, La Turbine, implanté dans un village viticole de 160 habitants, accueille un public restreint mais fidèle, et s’inscrit dans un réseau de petits lieux de diffusion en milieu rural.
C’est une énergie décuplée pour l’artiste, et un investissement sans relâche de la part des administrateurs qui devront, grâce aux soutiens des tutelles et des mécènes, réussir à pallier de toutes petites recettes, tout en assurant le bon développement de la structure.
Cette pratique de terrain demande de grands efforts et apporte de grandes joies. Elle est aujourd’hui un équilibre indispensable dans la pratique de notre métier, qui acquiert une force grâce à cet ancrage et nous permet de nous épanouir d’autant plus en tant qu’ensemble invité.
Alice Julien-Laferrière et Stéphanie Abburra
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