Tribune des indépendants
« Des ensembles à bout de souffle »
Publiée le 17 juin 2023
Les signataires
Raphaël Aggery, Ensemble TaCTuS • Jean-Marc Andrieu, Les Passions • Armand Angster, Accroche Note • Emmanuel Bardon, Canticum Novum • François Bazola, Consonance • Louis-Noël Bestion De Camboulas, Les Surprises • Frédéric Bétous, La Main Harmonique • Patrick Bismuth, Ensemble La Tempesta • Margaux Blanchard, Les Ombres • Florence Bolton, La Rêveuse • Catherine Bolzinger, Voix de Stras’ • Bruno Bonhoure, La Camera delle Lacrime • Emmanuel Bonnardot, Ensemble Obsidienne • Aurore Bucher, Ensemble Virêvolte • Paulin Bündgen, Ensemble Céladon • Jean-Pierre Canihac, Les Sacqueboutiers • Marie-Bernadette Charrier, Proxima Centauri • Julien Chauvin, Le concert de la Loge • Hélène Clerc-Murgier, Compagnie Les Monts du Reuil • Luc Coadou, Les Voix Animées • Bruno Cocset, Les Basses Réunies • Patrick Cohën-Akenine, Les Folies Françoises • Christophe Collette, Quatuor Debussy • Franck-Emmanuel Comte, Le concert de l’Hostel Dieu • Jérôme Correas, Les Paladins • Nicole Corti, Choeur Spirito • Guillaume Cuiller, Stradivaria – Orchestre Baroque de Nantes • Bertrand Cuiller, Le Caravanserail • Laurent Cuniot, TM+ • Benoît Damant, Enthéos • Mariana Delgadillo Espinoza , Ensemble Alkymia • Serge Desautels, Odyssée ensemble & cie • Gilles Dumoulin, Percussions Claviers de Lyon • Thomas Dunford, Ensemble Jupiter • Odile Edouard, Les Sonadori • Florent Fabre, Polychronies • Olivier Fortin, Ensemble Masques • Pierre-Alain Four, Ensemble Boréades • Sébastien Fournier, Sprezzatura • Mathieu Franot, Les Frivolités Parisiennes • Céline Frisch, Café Zimmermann • Jean-Christophe Frisch, Le Baroque Nomade • Stéphane Fuget, Les Epopées • Ophélie Gaillard, Pulcinella • Leonardo García Alarcón, Cappella Mediterranea • Claire Gibault, Paris Mozart Orchestra • Olivier Gladhofer, Le Banquet du Roy • David Grimal, Les Dissonances • Jean-Christophe Groffe, Thélème • Frédérick Haas, Ausonia • Emmanuelle Haïm, Le Concert d’Astrée • Marc Hajjar, Ensemble Nouvelles Portées • Lila Hajosi, Ensemble Irini • Benoît Haller, La Chapelle Rhénane • Philippe Herreweghe, Orchestre des Champs-Elysées • Mathieu Herzog, Appassionato • Geoffroy Heurard, Ensemble Perspectives • Kristin Hoefener, Ensemble Kantika • Marco Horvat, Faenza • Volny Hostiou, Les Meslanges • Hélène Houzel, Ensemble la Tempesta • Philippe Hurel, Court-circuit • Robin Joly, Compagnie Outre Mesure • Geoffroy Jourdain, Les Cris de Paris • Alice Julien-Laferrière, Ensemble Artifices • Françoise Lasserre, Akadêmia • Raoul Lay, Ensemble Télémaque • Yannick Lemaire, Harmonia Sacra • Brigitte Lesne, Alla francesca & Discantus • Aude Lestienne, La Française • Francisco Mañalich, Comet Musicke • Clément Mao – Takacs, Secession Orchestra • Léo Margue, Ensemble 2e2m • Elise Marre, Quatuor Anches Hantées • Etienne Meyer, Les Traversées Baroques • Martin Moulin, Ensemble Offrandes • Rolandas Muleika, Ensemble Antiphona • Minh-Tâm Nguyen, Les Percussions de Strasbourg • Thomas Nguyen, Collectif Io • Hervé Niquet, Le Concert Spirituel • Judith Pacquier, Les Traversées Baroques • Thierrry Pécou, Ensemble Variances • Marcel Peres, Organum • Raphaël Pichon, Pygmalion • Marianne Piketty, Le Concert Idéal • Gildas Pungier, Choeur de chambre Mélisme(s) • Denis Raisin Dadre, Doulce Mémoire • Catherine Ravenne, Ensemble Cum Jubilo • Jérémie Rhorer, Le Cercle de l’Harmonie • Jean-Paul Rigaud, Ensemble Beatus • Emmeran Rollin, Ensemble la Sportelle • Mathieu Romano, Ensemble Aedes • François-Xavier Roth, Les Siecles • Christophe Rousset, Les Talens Lyriques • Jean-Philippe Sarcos , Le Palais Royal • Sylvain Sartre, Les Ombres • Olivier Spilmont, Alia Mens • David Stern, Opera Fuoco • Joël Suhubiette, Choeur de chambre Les Éléments & Ensemble Jacques Moderne • Valentin Tournet, La Chapelle Harmonique • Thomas Van Essen, Les Meslanges • Pauline Warnier, Compagnie les Monts du Reuil • Léo Warynski, Les Métaboles • Paolo Zanzu, Le Stagioni
La tribune
Nous, directrices et directeurs des ensembles indépendants membres de la Fédération des ensembles vocaux et instrumentaux spécialisés (FEVIS), souhaitons alerter sur les risques engendrés par les orientations prises du ministère de la culture et des pouvoirs publics depuis quelques années, particulièrement depuis quelques mois. Cette action, qui tend principalement à soutenir l’industrie musicale d’un côté et les institutions labellisées de l’autre, menace désormais l’existence même de nos ensembles.
Depuis 50 ans, le paysage musical a été profondément transformé par l’émergence de nombreux ensembles qui, de la musique ancienne, classique ou contemporaine en passant par les musiques improvisées, ont apporté une diversité sans précédent dans notre histoire musicale. Ces ensembles vocaux et instrumentaux qui maillent notre pays sous la bannière de l’indépendance artistique, ont inventé un nouveau modèle qui répond aux enjeux majeurs de la création et de la diffusion de la musique aujourd’hui.
Innovation, adaptabilité, souplesse, engagement sont autant de valeurs qui rassemblent artistes de haut niveau et équipes administratives sur-motivées pour porter tous les répertoires au plus près des publics, dans les salles reconnues comme dans les lieux les plus éloignés du spectacle vivant. Imaginatifs dans les formes de concerts ou de spectacles pluridisciplinaires, dans les constructions d’actions culturelles inédites, ils favorisent l’émergence et l’insertion professionnelle de nombreux jeunes artistes ainsi que leur évolution et leur mobilité tout au long de leur carrière. Ils savent consolider leur ancrage sur les territoires en multipliant les concerts et actions de proximité.
Nos ensembles jouissent également d’une très grande reconnaissance, au niveau national comme à l’international, avec chaque année plus de 6000 concerts dont un millier à l’étranger sur tous les continents, contribuant ainsi très largement au rayonnement artistique et culturel de la France.
Quant à leur modèle économique, ils s’attachent à le rendre le plus vertueux possible, à la recherche permanente du meilleur équilibre entre le projet artistique et le fonctionnement de la structure, ou encore de la plus juste et équitable politique salariale.
Et pourtant, malgré leurs réussites éclatantes, les ensembles indépendants doivent se contenter auprès des pouvoirs publics d’une position marginale qui ne correspond en rien à la réalité et à la qualité de leur action sur le terrain. C’est bien un risque de disparition qui guette, à très court terme.
En effet, l’indépendance apparaît clairement aujourd’hui comme la variable d’ajustement de la politique culturelle de l’Etat, mais aussi des collectivités territoriales qui se replient sur leurs institutions labellisées et permanentes.
Les ensembles sont aussi trop peu pris en considération par les divers organismes de financements (notamment le Centre national de la musique) qui définissent des critères d’aide de plus en plus inadaptés à nos spécificités et qui de facto nous excluent progressivement des dispositifs de soutien au profit du secteur marchand.
Quelle politique musicale souhaitons nous pour notre pays ? Face à la disparition annoncée de la plupart de nos ensembles, à l’étouffement de la diversité des voix qui sont les nôtres, notre besoin d’une politique culturelle qui fasse confiance aux artistes est crucial.
Nous avons besoin d’une politique musicale qui ne se résume pas à renforcer une industrie musicale dont le modèle économique est chamboulé par la digitalisation et la révolution des modes de consommation. Nous avons besoin d’une politique pour les musiques de patrimoine et de création qui ne se résume pas à sauvegarder les institutions labellisées mais d’une politique qui ose aussi s’appuyer sur nos modèles vertueux et notre extraordinaire diversité de création.
Dans une conjoncture où l’argent public se raréfie à mesure de l’enchaînement des crises, il est de notre responsabilité de poser la question du modèle de société dans laquelle nous souhaitons vivre, une société qui sanctuarise la diversité des expressions, garantissant la vitalité du patrimoine comme la liberté de création. Nous refusons d’être les premiers à devoir supporter les difficultés du secteur musicale. Nous ne supportons plus d’être la variable d’ajustement et réclamons une politique ambitieuse.
Entre la tentation du repli et l’alignement sur les produits de l’industrie culturelle, l’indépendance artistique ouvre pour tous les publics des horizons musicaux uniques, sans cesse réinventés. Il est enfin temps pour les politiques publiques d’en prendre pleinement conscience et d’accompagner l’indépendance à la hauteur de ce qu’elle irrigue sur l’ensemble de notre territoire et représente comme vecteur d’émancipation pour chaque citoyen.
Emmanuel Macron déclarait le 1er octobre 2019, lors de l’inauguration du théâtre Le Maillon à Strasbourg : « Les citoyens veulent des artistes, veulent des lieux de culture, veulent qu’on respecte les artistes, celles et ceux qui créent, qui font, qui portent, et ils seront dûment défendus par le gouvernement comme par le président. Nous avons besoin de culture. » Puissent ces mots vous inspirer, Madame la ministre de la Culture, au moment de définir votre politique musicale. Puissiez-vous, Madame la ministre de la culture, faire vôtres ces mots au moment de définir votre politique musicale.
FEVIS – Publié le 17 juin 2023